Les dirigeants du groupe pharmaceutique public ont eu droit à un traitement critique du ministre du secteur. A Médéa, où il a visité les installations de l’opérateur, il s’est interrogé sur la pertinence du choix qui a conduit à leur préférer le site de Constantine pour la fabrication du vaccin anti-Covid…
Pour sa première sortie officielle sur le terrain en tant que ministre de l’Industrie pharmaceutique, Ali Aoun s’est fait remarquer en haussant le ton lors de son inspection des différentes unités de Saidal, dans la wilaya de Médéa.
Les propos que le nouveau responsable du secteur a tenus devant le personnel du site ont semblé avoir un double sens, celui d’un rappel à l’ordre des employés et des responsables par un ministre qui connaît bien les atouts du groupe pharmaceutique public pour l’avoir dirigé durant des années et à une période de sa remise à flot, celui d’une indication sur les raisons qui ont peut-être conduit au départ de son prédécesseur, l’ex-ministre Lotfi Benbahmed, et les choix qu’il a eu à privilégier durant son mandat en matière d’investissement et d’orientation stratégiques.
Il s’agit en particulier de la production de vaccin anti-Covid, le Corona-Vac, à Constantine, «une grave erreur», selon Ali Aoun. «Je ne comprends pas pourquoi cette décision d’aller le produire à Constantine d’autant plus que l’unité de Médéa a les capacités de milieu stérile et les ressources humaines pour le faire», s’est interrogé le ministre sous la forme d’une pique sévère aux anciens dirigeants qui avaient opté pour le site constantinois de Saidal. Un traitement critique qu’il a, par ailleurs, réservé à Fatoum Akacem, la PDG du groupe, en ce qui concerne l’importation de l’emballage en verre : «Exigez de vos partenaires la fabrication de bouteilles localement ou retirez-vous !», a-t-il tranché face aux justifications de Mme Akacem visiblement sur le grill. Le ministre de l’Industrie pharmaceutique a ainsi souligné la nécessité de localiser -progressivement- la production des intrants et de matériaux d’emballage en verre.
Simple coup de colère de la part d’un ministre qui n’a jamais dissimulé ses réactions face à des situations ou des réalités qu’il juge déplaisantes ou début d’une nouvelle politique du secteur qui accompagnerait un réquisitoire d’un passif que l’opinion publique ne connaissait pas ? Les jours et les semaines qui viennent seront certainement pleines d’enseignement sur la manière dont Ali Aoun entend diriger un secteur ultrasensible et aux enjeux colossaux.
Sur le site Saidal de Médéa, le ministre a notamment inspecté le «Cytolab», premier laboratoire d’analyse des produits injectables d’oncologie à usage hospitalier en Algérie. Il a appelé à orienter les investissements du site vers les matières vitales sous forme d’injections.
Non sans se déclarer outré par les «dysfonctionnements» de la production nationale de médicaments par la réalité d’un terrain où plusieurs laboratoires – dont il ne veut pas citer le nom – ont réussi à «corrompre les pharmaciens et les médecins de manière effroyable».
Le ministre de l’Industrie pharmaceutique a souligné l’impératif d’une «mise à niveau du complexe Antibiotical, filiale du groupe Saidal, afin qu’il puisse atteindre des niveaux de production en mesure de couvrir les besoins du pays».
Il a déclaré à ce sujet que «la mise à niveau des unités de production du complexe est devenue indispensable au vu des défis qui attendent notre pays en matière d’indépendance en produits pharmaceutiques».
Ali Aoun a souligné que le complexe dispose d’atouts suffisants pour être lancé à nouveau et contribuer à fournir le marché national en antibiotiques et réduire, ainsi, la facture des importations, affirmant qu’un plan de mise à niveau sera mis en place «incessamment et fera l’objet d’un suivi permanent et rigoureux».
Le ministre a également ordonné «la réactivation des ateliers de fabrication des produits pharmaceutiques de base (gélules-comprimés-sirops et gels pommade), dans le but de «rentabiliser l’infrastructure existante et dégager de l’argent qui sera, ensuite, investi dans d’autres projets», a-t-il expliqué.
Il a assuré que son département «veillera à la promotion de la production d’antibiotiques et à l’élargissement de la gamme de production de différents produits pharmaceutiques, de façon à garantir notre indépendance des producteurs étrangers et asseoir une industrie performante et compétitive».
Pour rappel, dès son installation, Ali Aoun a insisté sur «le renforcement de la production locale» pour faire face à la situation de pénurie de certains médicaments.
Mardi dernier, lors la cérémonie d’installation du nouveau Directeur général de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), le ministre de l’Industrie pharmaceutique est également revenu sur la priorité accordée par son département à la production nationale pour lui donner un véritable élan, soulignant que c’est la seule solution pour résoudre le problème récurrent de la pénurie de médicaments qui s’est accentuée ces deux dernières années, notamment pour les traitements vitaux d’oncologie.
A ce sujet, Ali Aoun avait affirmé que «sur 650 types de médicaments inscrits dans la nomenclature, il n’en manque actuellement que 15 à 20», assurant que «les médicaments manquants seront disponibles avant la fin du mois».
Il a ainsi réaffirmé à cette occasion que «la priorité est donnée à la production pharmaceutique locale» en martelant : «Je suis convaincu que c’est le seul moyen de diminuer et de, pratiquement, éliminer les pénuries. Il n’y a pas d’autres solutions.»