Tous les économistes, quelles que soient leurs spécialisations, sont unanimes à dire que les ports sont d’une importance et d’une incidence capitale pour l’économie nationale, notamment pour le secteur du commerce extérieur. Par voie de conséquence, ces infrastructures portuaires demeurent le fer de lance de la relance économique dans la mesure où plus de 90% du commerce international dépendent du transport maritime. De ce fait, les retards enregistrés en matière de modernisation et de remise à niveau des équipements et des méthodes de gestion ont influé négativement sur l’insertion de l’Algérie dans l’économie mondiale.
Les ports sont des lieux d’échanges autour et au sein desquelles se déclinent de multiples activités économiques. L’activité portuaire elle-même réclame, par exemple, un support logistique adapté qui se traduit aussi bien par des besoins en équipements qu’en compétences.
Les infrastructures portuaires sont des vecteurs de développement
C’est pourquoi, et ceci relève de l’évidence que promouvoir l’action des ports algériens à la hauteur des standards internationaux afin d’intégrer l’économie nationale dans son environnement régional et international de manière à développer le commerce extérieur et redynamiser le segment des exportations, Or, force est de reconnaitre qu’avec un littoral qui s’étend sur 1 600 kilomètres, le nombre d’infrastructures portuaires demeure disproportionné avec trois ports pétroliers (Arzew, Skikda et Béjaïa), trois principaux ports polyfonctionnels (Alger, Oran et Annaba), deux moyens (Djendjen et Mostaganem) et trois petits ports (Ghazaouet, Dellys et Ténès).
Si tous ces ports éprouvent des difficultés à répondre aux exigences du commerce extérieur, l’émergence de nouvelles infrastructures portuaires, tel le grand port de Cherchell, permettra d’augmenter considérablement les capacités d’accueil et de conteneurisation des marchandises et, par conséquent, une hausse considérable des volumes à expédier.
« Le commerce extérieur est un axe stratégique de l’essor économique »
Contacté par nos soins, l’expert international en économie Abderrahmane Hadef, pour qui le commerce extérieur occupe « une place prépondérante dans la nouvelle stratégie de l’Etat algérien» et dont la politique vise à orienter davantage la production nationale vers l’exportation, considère que «l’axe du commerce extérieur est stratégique». Pour cela, l’Algérie a besoin, selon notre interlocuteur, de ports de «dimension internationale» pour répondre aux exigences. Et d’évoquer le projet du port d’El-Hamdania (Cherchell) qui est appelé à absorber une grande part du volume d’exportation.
Pour permettre à l’activité économique d’avoir des voies de sortie, les infrastructures portuaires sont les derniers maillons de la chaine d’exportation, selon Hadef, qui souligne que «l’Algérie doit tout mettre en œuvre pour valoriser ses atouts en infrastructures de base afin de devenir une vraie plateforme et un hub du commerce vers le reste du monde » .
De plus, pour l’expert, «pour consolider le potentiel de l’Algérie en matière d’exportation, il est urgent de travailler sur la logistique, à savoir la dimension exportatrice des ports». Illustrant ses propos, Hadef donne l’exemple du ciment : « Nous exportons actuellement un demi produit, qui est le clinker. Si le règlement permettait aux cimentiers d’installer des broyeurs à l’extérieur des enceintes portuaires, nous aurions 25% de valeur ajoutée.» Et d’affirmer que «cette mesure peut aussi préserver les réserves de change » .
Citant le cas du port d’Alger, notre interlocuteur indique : «Le port d’Alger, une des plus importantes entreprises portuaires commerciales du pays, est totalement saturé. Toutes ses aires de stockage affichent complet. Depuis la fermeture par la direction générale des Douanes, le 28 mars dernier, des ports secs, l’entreprise peine à trouver des espaces pour débarquer les conteneurs et éviter les longs séjours en rade. »
Par ailleurs, si les hydrocarbures ont toujours occupé une part prépondérante dans le trafic portuaire total, «leur transit est facilité par la présence d’équipements spécialisés et modernes, permettant une grande fluidité de trafic, bien souvent par oléoducs ou gazoducs», a-t-il affirmé, en ajoutant: « En revanche, la manutention des marchandises générales, qui par nature requiert davantage d’équipements à quai et suscite un trafic terrestre important, est confrontée à la localisation des terminaux en plein site urbain, comme à Alger. Les problèmes de saturation et de congestion sont exacerbés lorsque ces marchandises ne sont pas conteneurisées et que l’outillage portuaire moderne fait défaut. »
Hadef n’a pas manqué, d’ailleurs, de faire un constat peu reluisant de l’état des ports algériens existants en indiquant :
«Construits au temps de la colonisation, les ports algériens n’offrent que de faibles tirants d’eau, ainsi que des espaces d’entreposage réduits et étroits, ne pouvant convenir aux exigences des navires des générations récentes. De ce fait, ils ne peuvent recevoir que des navires de petite taille, inférieur à 20 000 tonnes de port en lourd. Seuls les bateaux contenant jusqu’à 400 conteneurs sont en mesure d’y entrer : une telle limite se situe en-dessous de la moyenne exigée par le trafic mondial. D’ou la nécessité absolue d’étendre les ports existants aux standards internationaux.»
D’utres conséquences, et pas des moindres, découlent de l’exigüité de certains ports algériens se rapportent à la question du séjour des navires qui n’est pas gratuite, selon Abderrahmane Hadef. En effet, «les armateurs fixent leurs tarifs non seulement en fonction des conditions du port de destination, mais également en tenant compte des risques de séjour prolongé de leur bateau. Il en est de même pour les assurances, a-t-il indiqué avant d’ajouter : « A cela s’ajoutent les pénalités comme celles de surestaries, alourdissant la facture du transport que payera en dernier ressort le consommateur. »
Aussi, si l’Etat algérien a pris conscience que le passage vers la mondialisation suppose forcément des efforts de mise à niveau et de modernisation de ses ports, il reconnaît, en revanche, la nécessité d’investir pour moderniser les installations existantes et tente d’y remédier en lançant une série d’actions et de projets. Les pouvoirs publics comptent privatiser toutes les activités commerciales (manutention, remorquage, etc.), tout en continuant d’assurer le service public (capitainerie, pilotage, etc.) tandis que le domaine public portuaire devrait faire l’objet de concessions.
Le port d’El-Hamdania (Cherchell) vise à s’ériger en hub commercial régional
Les investissements pour la réalisation de nouveaux ports étant coûteux, l’Algérie a pris la décision d’associer des partenaires étrangers pur y arriver. C’est le cas du mégaprojet du port d’El-Hamdania (Cherchell) qui affiche des ambitions stratégiques. En effet, sa position à quelques miles nautiques de la route maritime reliant l’Asie, la Méditerranée et l’Europe du Nord, présente un avantage pour venir concurrencer les autres hubs méditerranéens.
Hormis le développement économique que peut apporter le projet pour l’Algérie, ce dernier va permettre un essor économique régional, voire continental. En effet, le futur complexe portuaire Cherchell sera relié à la Transsaharienne par un tronçon autoroutier. Avec la précision que cette route Transsaharienne, dont le segment principal s’étend d’Alger à Lagos, compte plus de 4 000 km et met en connectivité six pays africains Algérie, Tunisie, Mali, Niger, Tchad et Nigeria. Dans cette optique, relier le port Cherchell et la Transsaharienne signifie un désenclavement de la bande sahélienne, zone riche en ressources et sans accès maritime.
Les marchandises, particulièrement les produits chinois, peuvent atteindre les sols sahéliens plus facilement, créant ainsi une nouvelle dynamique économique régionale et un environnement propice à l’accélération des échanges commerciaux.
Pour toutes ces considérations et conformément aux directives des hautes autorités du pays à faire de l’année 2022 celle du décollage économique, une attention particulière doit être accordée aux infrastructures portuaires existantes en les modernisant pour répondre aux exigences internationales. Faute de quoi les grandes ambitions des pouvoirs publics de diversifier l’économie et d’en finir une bonne fois pour toutes avec la seule rente des hydrocarbures pourraient être inhibées par l’obsolescence des ports existant, pour la plupart datant de la colonisation.